Le colibri d'or. Chapitre 2, le colibri
Mercredi 25 novembre
Il est huit heures et demie et, pourtant, je ne suis pas en cours. C’est qu’aujourd’hui, on passait la matinée à faire sport, or avec mon pouce cassé... Ma mère m’a emmenée à son travail. Elle est conservatrice dans un grand musée, le plus célèbre d’Asunción. Il expose de superbes animaux empaillés, des squelettes de grands mammifères disparus, et surtout, une magnifique collection d’espèces natives du Paraguay, toute resplendissante d’or et de joyaux. Le clou de cette salle est un splendide colibri, cinq fois plus grand qu’à la normale, car cet oiseau est en réalité minuscule. Il observe sa cage de verre de ses yeux fait d’opale, et ses ailes déployées, couvertes de saphirs, de rubis et d’émeraudes, colorent les rayons du soleil en rouge, bleu et vert. Des milliers de personnes se précipitent chaque jour pour le voir.
Lorsque nous arrivons, ma mère me propose de faire un petit tour dans la galerie, pour passer le temps. J’accepte avec joie, car le musée a vraiment de belles pièces et j’adore les animaux. Elle me tend une carte verte, qui permet au personnel d’y accéder sans payer.
"A toute à l’heure, me dit ma mère, on se retrouve dans mon bureau quand tu as fini ton tour."
Et elle entre dans son bureau. Alors, tranquillement, je me présente au guichet, en passant devant tout le monde. Je tends ma carte, je pénètre dans le musée et me dirige vers la salle des animaux empaillés. Il y en a des vraiment effrayants, comme le puma à l’air féroce, près à me bondir dessus, ou encore la mygale noire, avec son terrible venin mortel.
Après les avoir regardés pendant plusieurs minutes, j’entre dans ma salle préférée, celle des joyaux. Le colibri d’or me regarde, ses ailes déployées, comme s'il allait s’envoler.
"-Bonjour Léa !!" Lance une voix dans mon dos.
Je réponds poliment. C'est une représentante du ministère de l’éducation et de la culture envoyée par l’état, car une exposition importante se prépare. Chargée de vérifier l’authenticité des œuvres que contient le musée, elle doit rester jusqu’à la fin de l’exposition.
Elle a des cheveux bruns qui lui arrivent en bas des épaules, des yeux sombres et un petit nez pointu. Elle est grande, assez mince, un peu intimidante et s’appelle Mme Dinero.
La représentante du ministère observe avec attention le colibri d'or. Elle plissa les yeux, et reste muette pendant plus de deux minutes. Elle semble graver chaque détail dans son cerveau...
Soudain, elle se retourne avec un grand sourire et me dit : " dans trois semaines, c'est la grande exposition de fin d'année. Y seras-tu?"
Je réponds : "ma mère y sera, mais moi je ne sais pas car j'ai école ce jour-là." En effet, elle est prévue le jeudi 16 décembre. Les enfants qui vont à l'école paraguayenne terminent les cours à la fin de la semaine (les grandes vacances d'été commencent fin novembre et durent jusqu'au début du mois de février), mais je suis inscrite au Lycée français, et nous suivons le calendrier scolaire de la France à quelques exceptions près.
Mon portable vibre dans la poche de mon jeans; c'est ma mère. "Où es-tu? je te rejoins dans le restaurant en face du musée, fais vite!"
Je regarde ma montre : déjà midi et demie! Je reprends les cours dans une heure. Je salue Madame Dinero et me précipite à l'extérieur.
Je trouve ma mère attablée près de la fenêtre. "Hola Señoras ¿ Que tal? ¿Que quisieran? " ("Bonjour mesdames, comment allez-vous? (formule indissociable de la salutation!) que voudriez-vous?). Je commande une empanada Jamon y queso (jambon/fromage; cela se prononce: Ramon i quesso), une pollo (poulet, œuf dur, oignon), et une assiette de papas fritas (frites). Les empanadas ont la forme de chaussons aux pommes, mais ce sont des mets salés cuits au four ou frits, spécialités du Paraguay (et plus largement de toute l'Amérique du Sud) que l'on mange quand on a peu de temps.
"- ça te dirait d'inviter Amisha aux chutes d'Iguazu? me demande ma mère.
- Bien sûr ! Quand?
- Du 4 au 8 décembre, pour ton anniversaire.
-Génial!! Merci! Dis-je avec un large sourire.
- Il est tard, tu vas finir par être en retard au collège, finis vite de manger."
Je déguste rapidement la fin de mon assiette, puis ma mère appelle un des taxis jaune et blanc que l'on croise dans Asunción, pour me conduire au collège.